Retour en scène d’un trio majuscule, à l’occasion de la sortie de leur nouvel album The Useful Report.
« Ce trio est au monde du jazz ce que Peter Gabriel est au monde du rock. » Cette phrase qui figurait dans l’album Sad and Beautiful, enregistré en 2013, rappelait la position tout à la fois centrale et excentrée de ce trio dans le monde du jazz hexagonal, à la nuance près que ces trois-là sont autrement plus inspirés que le prophète du label Real World. Dix ans plus tôt, le pianiste Andy Emler et ses deux comparses au sein du Megaoctet – le contrebassiste Claude Tchamitchian et le batteur Eric Echampard – publiaient un premier disque qui annonçait la couleur, polyphonique, et l’ambition, hors norme. L’enjeu était de brouiller les pistes pour sortir des sillons balisés et de créer une bande-son originale, nourrie de toutes leurs expériences et différences, envisagées comme autant de chances d’aller au-delà des entendements.
Le son d’une triple entente
Une vingtaine d’années plus tard, l’ETE – acronyme tout trouvé pour cette formation qui irradie – a bel et bien duré plus d’une saison. « Avec le temps, nous avons trouvé un style, un son identifiable fondé sur notre complicité », confiait en 2018 Andy Emler dans ces mêmes colonnes. Un son donc, celui d’une triple entente qui repose sur un trépied : l’énergie du rock, le groove du jazz et l’écriture savante. Et plus si affinités. Autant d’arguments qui sont encore bien présents pour ce quatrième disque, The Useful Report, encore une fois enregistré à la Buissonne, d’un trio qui parle comme une entité façon hydre. Ou plutôt qui se fait l’écho de leurs voix tant et si bien entremêlées, celles de trois solistes à l’écoute, toujours prompts à prolonger le mouvement de l’un comme de l’autre. C’est dans cette force vitale, l’essence qui les fait carburer depuis toujours, que ce trio outrepasse naturellement les bornes établies, histoire de nous faire décoller (les oreilles, comme le reste) au-delà. Bon trip !
par Jacques Denis
