Compagnie aime l'air

Ouverture du crâne

Christophe Charpenel
À l’occasion du Jazz Campus en Clunisois, du dimanche 17 au jeudi 21 août, Andy Emler anime une semaine de création musicale inédite, invitant à l’exploration, à l’improvisation et à la transmission. Artiste engagé, il conjugue passion du jazz, ouverture à toutes les musiques et conviction profonde du rôle social de la musique. Entre concerts, ateliers et projets participatifs, il cultive depuis des années une approche vivante de la création, à la croisée de l’art, de la pédagogie et du lien communautaire

Est-ce que tu considères que la transmission a autant d’importance que la composition et le live dans ton métier de musicien ?

Andy Emler : J’ai toujours trouvé un équilibre qui me convenait entre ces trois engagements : écrire de la musique, la jouer en concert et transmettre (composition, diffusion, transmission).
Aucun des trois ne prend le dessus sur les autres. Faire entendre un son, c’est déjà transmettre quelque chose aux oreilles de l’auditeur. Il me semble que les compositeurs et les concertistes ont un véritable rôle social : éduquer par le son, ouvrir les oreilles de certains — car l’ouverture d’esprit, comme le disait Pierre Desproges, n’est pas une fracture du crâne !

Quels sont les outils ou méthodes que tu utilises le plus souvent pour accompagner les musiciens dans leur développement artistique ?

AE : Mon cheval de bataille, c’est souvent la formation des formateurs issus de l’éducation dite “classique” : comment les libérer de la dépendance à la partition.
Je propose quelques astuces, que je ne vais pas détailler ici, mais qui permettent une mise en situation immédiate de création. Il s’agit de développer cette petite case du cerveau qu’on appelle la créativité.

Pour toi, quelles compétences et valeurs doivent développer les élèves pour vraiment s’éclater en musique ?

AE : La pratique des “musiques en liberté” a un effet très positif sur le mental. D’ailleurs, la pratique de toute musique a cet effet : ça fait du bien, ça crée des émotions, des sensations physiques de bien-être ou parfois de malaise, mais en tout cas, il se passe toujours quelque chose, aussi bien pour l’auditeur que pour celui qui joue.
La maîtrise de la technique de son instrument est essentielle, pour ensuite l’oublier et se risquer musicalement. Le jeu en groupe ou en ensemble, que je considère presque comme une drogue, car la pratique collective génère souvent une véritable addiction, source de plaisir et de passion.

Une semaine de création musicale inédite
Jazz Campus en Clunisois
du dimanche 17 au jeudi 21 août de 14h à 18h30

L’ATELIER

Échanges vocaux et instrumentaux pour développer l’écoute et l’oralité musicale
Techniques innovantes pour booster votre créativité, en solo comme en groupe
Exploration instrumentale : pratique individuelle et collective pour enrichir votre jeu
Compréhension des « chemins harmoniques » grâce à des approches pédagogiques accessibles
Orchestration et instrumentation : découvrez les clés pour enrichir vos compositions
Initiation au piano pour tou.te.s : des consignes simples et adaptées à chaque instrumentiste
Création collective : apprenez à composer en groupe, à gérer des idées et à façonner des formes musicales

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Tu dis qu’on devrait « débaptiser les conservatoires pour les appeler ouvertoires » : qu’est-ce que ça dit sur ta vision de la transmission musicale aujourd’hui ?

AE : L’éducation musicale est en danger. En effet, nos élus, jusqu’aux ministres, sont dans une dynamique totalement destructrice : sous prétexte de “démocratiser” l’éducation musicale, ils veulent démanteler l’excellence de l’enseignement pour le rendre, soi-disant, accessible à tous. C’est déjà le cas depuis de nombreuses années.
Leur “mission” est malheureusement de rendre la population inculte, comme ils le sont eux-mêmes. J’en veux pour preuve les récentes, énormes coupes budgétaires pour les associations et les conservatoires (le CNSM de Lyon a subi plus de 800 000 euros de coupes).
Plus de dispositifs pour les interventions dans l’éducation nationale… Des dizaines d’années de travail pour faire progresser le “shmilblick”, et d’un coup : retour au néant. La culture de certains élus, dont notre ministre actuel, se résume à une culture télévisuelle.

Comment fais-tu pour intégrer l’improvisation et la créativité dans tes ateliers, et aider les participants à gagner en autonomie ?

AE : C’est une question essentielle ! J’incite les participants à sortir de leur zone de confort, à explorer de nouvelles sonorités et à inventer à partir de ce qu’ils connaissent. Je favorise l’écoute mutuelle, l’expérimentation et la prise de risque.
Le but est qu’ils deviennent autonomes, capables de créer, d’improviser et de partager, sans dépendre systématiquement d’une partition ou d’un chef.
Au fil des ateliers, chacun développe sa propre voix musicale et gagne en confiance, ce qui est la clé de l’autonomie.

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