Est-ce que tu considères que la transmission a autant d’importance que la composition et le live dans ton métier de musicien ?
Andy Emler : J’ai toujours trouvé un équilibre qui me convenait entre ces trois engagements : écrire de la musique, la jouer en concert et transmettre (composition, diffusion, transmission).
Aucun des trois ne prend le dessus sur les autres. Faire entendre un son, c’est déjà transmettre quelque chose aux oreilles de l’auditeur. Il me semble que les compositeurs et les concertistes ont un véritable rôle social : éduquer par le son, ouvrir les oreilles de certains — car l’ouverture d’esprit, comme le disait Pierre Desproges, n’est pas une fracture du crâne !
Quels sont les outils ou méthodes que tu utilises le plus souvent pour accompagner les musiciens dans leur développement artistique ?
AE : Mon cheval de bataille, c’est souvent la formation des formateurs issus de l’éducation dite “classique” : comment les libérer de la dépendance à la partition.
Je propose quelques astuces, que je ne vais pas détailler ici, mais qui permettent une mise en situation immédiate de création. Il s’agit de développer cette petite case du cerveau qu’on appelle la créativité.
Pour toi, quelles compétences et valeurs doivent développer les élèves pour vraiment s’éclater en musique ?
AE : La pratique des “musiques en liberté” a un effet très positif sur le mental. D’ailleurs, la pratique de toute musique a cet effet : ça fait du bien, ça crée des émotions, des sensations physiques de bien-être ou parfois de malaise, mais en tout cas, il se passe toujours quelque chose, aussi bien pour l’auditeur que pour celui qui joue.
La maîtrise de la technique de son instrument est essentielle, pour ensuite l’oublier et se risquer musicalement. Le jeu en groupe ou en ensemble, que je considère presque comme une drogue, car la pratique collective génère souvent une véritable addiction, source de plaisir et de passion.
Une semaine de création musicale inédite
Jazz Campus en Clunisois
du dimanche 17 au jeudi 21 août de 14h à 18h30
L’ATELIER
Échanges vocaux et instrumentaux pour développer l’écoute et l’oralité musicale
Techniques innovantes pour booster votre créativité, en solo comme en groupe
Exploration instrumentale : pratique individuelle et collective pour enrichir votre jeu
Compréhension des « chemins harmoniques » grâce à des approches pédagogiques accessibles
Orchestration et instrumentation : découvrez les clés pour enrichir vos compositions
Initiation au piano pour tou.te.s : des consignes simples et adaptées à chaque instrumentiste
Création collective : apprenez à composer en groupe, à gérer des idées et à façonner des formes musicales
Tu dis qu’on devrait « débaptiser les conservatoires pour les appeler ouvertoires » : qu’est-ce que ça dit sur ta vision de la transmission musicale aujourd’hui ?
AE : Il y a longtemps j’ai eu la chance d’être embauché grâce à Marius Constant et Jean-Louis Vicart au conservatoire de Juvisy-sur-Orge, où j’étais libre de l’enseignement que je voulais pratiquer.
Grâce à un élu au top niveau culture, j’ai pu « tester » mes méthodes d’improvisation en collectif et en individuel, monter des classes pour les musiques amplifiées avec matos fourni et entretenu par la mairie, jusqu’à intégrer les jeunes rappeurs des quartiers dans nos projets et tout ça entre 1982 – 85 … des précurseurs !
Aujourd’hui, ça a évolué, mais il y a encore du boulot vis-à-vis de certains qui se cantonnent dans leurs vielles habitudes.
N’oublions pas non plus le contexte budgétaire, qui coupe de nombreuses initiatives de transmission et n’aide pas à l’innovation dans ce domaine.
Enseigner, être pédagogue, c’est avoir la connaissance musicale de son époque et s’y intéresser.
Comment fais-tu pour intégrer l’improvisation et la créativité dans tes ateliers, et aider les participants à gagner en autonomie ?
AE : C’est une question essentielle ! J’incite les participants à sortir de leur zone de confort, à explorer de nouvelles sonorités et à inventer à partir de ce qu’ils connaissent. Je favorise l’écoute mutuelle, l’expérimentation et la prise de risque.
Le but est qu’ils deviennent autonomes, capables de créer, d’improviser et de partager, sans dépendre systématiquement d’une partition ou d’un chef.
Au fil des ateliers, chacun développe sa propre voix musicale et gagne en confiance, ce qui est la clé de l’autonomie.