Compagnie aime l'air

Andy à l’assaut de l’orgue de Saint-Louis

Jeff Humbert
Dimanche 12 octobre à 15h30, l’organiste et improvisateur Andy Emler investira l’église Saint-Louis de Vincennes pour un concert inédit. Entre Bach, les Beatles, Messiaen ou Joe Zawinul, son programme intitulé Influences proposera un voyage musical singulier, où l’orgue devient l’espace d’un dialogue entre répertoires, improvisations et acoustique particulière du lieu.

Entrer dans l’univers de l’orgue

Influences n’est pas un récital d’orgue au sens habituel. Ce que propose Andy Emler relève davantage d’une traversée, où les repères se déplacent constamment d’un style à l’autre. Bach dialogue avec les Beatles, Messiaen avec Joe Zawinul, tandis que Ballaké Sissoko surgit au détour d’une mélodie. « J’adore voyager ! Mes improvisations et mes compositions se baladent toujours entre différents langages », confie le musicien.
Cette ouverture aux répertoires, qui constitue depuis toujours sa marque de fabrique, prend une dimension toute particulière ici. Car il ne s’agit pas seulement d’un jeu d’influences : c’est le rapport intime à l’orgue, et à son espace sonore, qui devient le véritable fil directeur.

Un malentendu qui tombe à pic

Andy Emler n’est pas arrivé à l’orgue par le chemin académique. « Un pur hasard : à l’abbaye de Royaumont, Il y a un grand orgue Cavaillé-Coll. Un jour le directeur artistique de l’abbaye demande à Claude Tchamitchian s’il connaissait un organiste improvisateur et il a répondu : “oui il y a Andy Emler qui est organiste“, ce qui était complètement faux car je n’avais jamais joué de l’orgue à tuyaux… je suis venu à Royaumont et je me suis mis à l’instrument et j’ai joué !  » Ce premier contact accidentel a ouvert un terrain de jeu inédit. Loin d’aborder l’orgue comme un instrument inscrit dans un répertoire figé, Andy le considère comme une nouvelle zone d’exploration pour l’improvisation.
Cette manière de s’autoriser la liberté explique la diversité du programme : un blues joué sur une pédale de sol, une variation autour de thèmes des Beatles, une réinterprétation du groove de Joe Zawinul ou encore une pièce inspirée par les cycles de la kora africaine. Chaque escale trouve sa cohérence non dans une logique chronologique ou stylistique, mais dans cette énergie qui assemble des univers a priori étrangers.

L’orgue de Saint-Louis de Vincennes, un partenaire exigeant

Ce récital prend une résonance toute particulière grâce à l’orgue de l’église Saint-Louis de Vincennes, dont la conception échappe aux dispositions traditionnelles. Ici, les tuyaux sont répartis en trois blocs distincts : le Récit expressif derrière l’organiste, totalement excentré à gauche ; le Positif, placé au centre du chœur, devant la console ; et le Grand-Orgue situé à droite, loin de l’interprète.
Cette spatialisation produit une polyphonie sonore dans l’espace architectural lui-même, créant des perspectives multiples pour l’auditeur comme pour l’interprète. Mais elle implique aussi une contrainte supplémentaire pour l’organiste : « Cette disposition permet une diffusion à partir de trois endroits différents, mais c’est aussi un vrai défi pour l’écoute et les équilibres ». C’est ce dialogue avec la difficulté acoustique qui deviendra la matière même de l’improvisation.

Voyager entre influences et improvisations

Si Influences convoque des figures aussi diverses que Jean-Sébastien Bach ou Peter Gabriel, il ne s’agit pas de reproductions (trop) fidèles mais d’hommages improvisés. « Mes influences, je ne peux pas les cacher. Elles sont là depuis mes 80 cm de haut jusqu’à aujourd’hui. Mais ce que je fais, c’est à ma manière ».
Ses improvisations ne se contentent pas de rappeler des styles passés : elles transforment l’orgue en un terrain d’expérimentation où les langages se croisent et se réinventent. Le groove de Joe Zawinul prend une résonance inattendue dans l’acoustique sacrée, tandis que l’héritage de Messiaen se déploie dans un crescendo réimaginé. Chaque influence devient matière vivante, nourrie par la richesse de l’instrument et la liberté de l’improvisateur.

Une expérience rare

Ce concert à Vincennes ne sera donc ni une leçon d’histoire, ni une simple célébration des grands noms de la musique, mais une véritable expérience d’écoute. La spécificité de l’orgue obligera Andy a repenser sa façon de jouer, à transformer cette contrainte en énergie créative. Le 12 octobre, sous les voûtes de Saint-Louis de Vincennes, le voyage sera autant acoustique qu’esthétique.

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